En cette période
de fêtes de la Saint-Jean et de la Saint-Pierre, de loin les plus populares du
Brésil, nous ne pouvions pas passer à côté d’un des artistes les plus
importants de la musique populaire brésilienne. Les mois de juin et de juillet
amènent avec eux les pluies, les plats et autres gâteries sucrées à base de
maïs, mais aussi le Forró. Ce dernier est l’unique style musical retentissant
dans chaque demeure brésilienne en ce début d’hiver.
Et cette année,
il prend une dimension particulière puisque le Brésil célèbre le centenaire de
la naissance d’un artiste emblématique : Luiz Gonzaga. Né en 1912 dans
l’arrière-pays du Pernambouc, le « roi du Baião » devient dès la fin
des années 40 le représentant du Forró et le défenseur de la culture du
Nordeste qui l’a vu naître. Contant la tristesse des paysans acculés par la
sécheresse, la douleur des pauvres immigrant pour une vie meilleure, la joie du
peuple quand viennent les fêtes et les récoltes fructueuses, son oeuvre
s’écoute comme on lit un livre. Affublé d’un déguisement rappelant celui du
célèbre bandit Lampião, il a chanté l’histoire et le folclore de toute une
région devenant l’idole des nordestinos et l’artiste bien aimé du pays tout
entier. Légèrement éclipsée par la Bossa-Nova qui débarque à partir des années 60, sa musique est restée dans le coeur du Brésilien quelque soit son origine ou sa classe.
Pour vous
quelques chansons du maître du Forró, j’ai nommé Monsieur Luiz Gonzaga.
Les paroles de la chanson Asa Branca, véritable hymne du Nordeste :
La sécheresse touche le Nordeste (photo : João Roberto Ripper)
De mars à mai, les précipitations dans le Nordeste ont été largement inférieures à la normale saisonnière. Si le littoral retrouve depuis peu la pluie, les campagnes offrent toujours le même spectacle de désolation. La terre asséchée craquelle sous les sabots d’un bétail chaque jour plus maigrelet, les cultures poussent difficilement et, parfois, brûlent sur pied. La situation du sertão est critique puisque le gouvernement annonce des pertes abyssales de plusieurs milliards de reais pour le secteur agricole et l’ensemble de l’économie régionale.
Le manque d’eau de pluie ces derniers mois a obligé les autorités brésiliennes à intervenir. En visite à Aracaju début mai, Dilma Rousseff s’est entretenue avec les gouverneurs des neuf états du Nordeste. Prenant conscience de l’ampleur du problème, le gouvernement fédéral a débloqué une enveloppe de près d’un milliard de reais. A ce fonds d’urgence s’ajoute une promesse d’investissements de 2,5 milliards de reais pour prévenir des dégâts de la sécheresse. Une somme qui vise à aider les 595 villes nordestinas et les quelques trois millions de personnes situées dans la zone placée sous état d’urgence.
Pour soulager les populations, les files de camions-citernes se joignent aux machines de forage. A Bahia, par exemple, le gouvernement a lancé la construction de 2400 puits. La mise en place d’infrastructures s’accompagne de mesures de dédommagement des personnes les plus touchées par la sécheresse. C’est le cas des agriculteurs. Le 12 juin, la ministre des relations institutionnelles, Ideli Salvatti, a annoncé la renégociation des dettes de 231 000 cultivateurs et éleveurs acculés par le manque d’eau en plus d’une aide mensuelle de 136 reais par le biais du programme Safra pour ceux dont les semences ne sont pas sorties de terre. Les pertes subies par les paysans de l’intérieur se répercutent sur l’économie nationale. Selon une récente déclaration du ministre de l’intégration nationale Fernando Bezerra à la Chambre des Députés, « le Nordeste subit des pertes agricoles sévères et on peut déjà affirmer qu’elles s’élèvent à 12 milliards de reais ».
Interrogée cette semaine dans le programme de la radio EBC « Café com a Presidenta », Dilma Rousseff a exprimé son inquiétude devant « la plus grande sécheresse depuis des décennies » tout en affirmant que « le gouvernement ne laissera pas le Nordeste perdre les conquêtes accumulées ». Selon elle, la région est « nettement mieux préparée » à affronter le manque d’eau rappelant les investissements consentis ces dernières années et les programmes d’aides sociales déjà mis en place et à venir au Brésil.
Une absence de pluies pour plusieurs mois
Selon Overland Amaral, coordinateur du centre de météorologie de l’Etat de Sergipe, la région fait « face à un manque de stabilité des températures ce qui rend presque impossible la formation de masse nuageuse ». L’air trop froid dans l’Atlantique Sud ne permettrait pas l’apparition de nuages nécessaire pour produire des pluies. Ce constat pourrait se perpétuer au moins jusqu’au mois d’août, pour les plus optimistes, voire février 2013.
La sécheresse est presque banale dans le Nordeste. Mais le spécialiste s’inquiète de « l’arrivée de phénomènes extrêmes ». « Ce manque d’eau prolongé ponctué par des pluies de forte intensité mais de courte durée est déconcertant. Et la tendance est à l’aggravation » confie l’expert, anxieux. Et les prévisions ne rassurent ni les autorités ni les habitants des zones sinistrées. Travaillant en collaboration, tous les observatoires météorologiques du Nordeste s’accordent sur un point : la sécheresse pourrait se poursuivre pour plusieurs mois. « On atteint un niveau historique, même les pluies annoncées ne seront pas suffisantes » explique Overland Amaral.
Overland Amaral s'inquiète de l'arrivée de "phénomènes extrêmes" dans la région (Photo : Gauthier Berthélémy)
Lui-même agriculteur, le météorologue est bien placé pour parler du problème. « Les gens sont obligés de quitter les campagnes pour rejoindre les villes. Là, il y a des emplois et, surtout, des infrastructures » témoigne le scientifique ajoutant qu’aujourd ’hui « la population doit adopter de nouveaux comportements ». Selon lui, l’une des solutions serait la plantation de palma, un arbre dont les racines puisent dans le sol l’eau et ainsi irriguent naturellement les terres à cultiver. « Les pertes matérielles, financières et humaines sont importantes. Partout dans le Nordeste, les gens sont entrés en résistance » conclut Overland Amaral.
Quasi inconnu en France, véritable icône au
Brésil, Raul Seixas a été l'un des artistes
emblématiques du rock brésilien. Retour sur la carrière prolifique du
Maluco Beleza, sujet d'un excellent documentaire « Raul Seixas, o inicio,
o fim e o meio » de Walter Carvalho, sorti en mai dans les salles obscures
brésiliennes.
Raul Seixas, le "Maluco Beleza"
Elancé comme une Gibson ES-335, l'un de ses
instruments fétiches, le visage fin, les yeux coincés entre une crinière folle
et une barbe fleurie, il ressemblait étrangement à notre Antoine. Mais
contrairement à celui qui se recycla dans la carte postale et l'optique, Raul
Seixas n'a jamais abandonné le rock'n roll. Comment aurait-il pu, puisque c'est
lui-même qu'il l'a introduit au pays de la Samba. On ne reçoit pas le surnom de
« Père du rock brésilien » sans aucune raison, n'est-ce-pas ?
La fièvre le prend dès le plus jeune âge,
lorsqu'il se passe en boucle, avec sa bande d'amis, les meilleurs passages
d'Elvis Presley dans Kid Creole. A 14 ans, Raul connait déjà par cœur toutes
les chansons et s'amuse à imiter son idole devant le miroir de sa chambrette,
dans la maison familiale de Salvador, à Bahia. Bercé au son du Baião, ce
nordestino pur souche a toujours rêvé de swing à l'américaine. Petit à petit,
Raul Seixas prend ses marques dans cet univers musical et au fil des rencontres
forme, en 1964, un groupe qui ébranle la toute récente scène rock de Salvador,
Os Panteras. Après son mariage avec la fille d'un pasteur protestant américain,
Raul et sa bande s'envolent pour Rio de Janeiro et prennent le nom de Raulzito
e os Panteras. Là, ils signent un contrat, enregistrent un premier disque,
mais le succès n'est pas au rendez-vous.
De retour à Salvador, Raul sombre dans la
dépression. S'alimentant de lectures philosophiques et de musique, il rédige
dans des petits carnets les fragments de son futur succès. Ce dernier commence
avec la rencontre d'un producteur de la CBS qui lui propose un poste. C'est
alors que le rocker reprend la route de Rio de Janeiro. Durant ce second séjour
dans la « ville merveilleuse », il se fait des contacts, écrit,
compose et bientôt ses amis lui conseillent de s'inscrire au Festival
Internacional da Canção, en 1972. Il y inscrit deux chansons. Les deux sont en
finale. Le succès ouvre enfin ses portes.
L'année suivante, il enregistre son premier
disque solo « Krigh-la, Bandolo ! » qui contient de véritables
bombes musicales comme Metamorfose ambulante, Mosca na Sopa ou Al
Capone.
La même
année, il fait la connaissance de l'écrivain psychédélique Paulo Coelho avec
qui il commence à composer et à s'adonner à tout type de drogue. Sa préférence
se porte tristement sur la cocaïne qui devient alors sa grande compagne. Entre
autres expériences, Raul Seixas et son comparse s'initient à l'occultisme à
travers l'oeuvre d'Aleister Crowley, théoricien anglais obscur, le même qui
apparaît sur la pochette du Sergent Pepper des Beatles. A partir de ses
principes, Raul et Paulo créent la « Sociedade Alternativa », la
Société Alternative, dont la règle suprême est « Fais ce que tu veux, tout
est la Loi ». Autrement dit, Raul et Paulo lancent un appel à la liberté
absolue.
En pleine dictature militaire, le message
peine à être agréable aux oreilles des censeurs et le régime s'inquiète de voir
qu'il l'est à celles du public. Les deux compères sont arrêtés, torturés et
forcés à l'exil. Ils s'envolent alors vers les États-Unis. Là, Raul ne s'arrête
pas de créer et sa carrière se poursuit.
De retour au Brésil, il lance de nouveaux disques et entame une
tournée, mais l'alcool et la drogue prennent le dessus sur scène. Plusieurs
représentations sont annulées voire même interrompues par les jets de canettes
de fans déçus par les piètres prestations du rockeur titubant. Raul se retire
peu à peu de l'estrade à partir de 1985.
Ce n'est qu'en 1988 que Raul Seixas renoue
avec le public. Invité par Marcelo Nova à faire une apparition lors de ses
concerts à Salvador, le roi du rock rattrape la fièvre des planches et accepte
de partir en tournée avec son jeune comparse. Au total, il fera 50 concerts.
Fatigué, imbibé et ne soignant pas son diabète, il s'éteint le 21 août 1989
dans son appartement de São Paulo. Ce jour-là, Marcelo Nova déclare que Raul
Seixas « est mort debout, faisant ce qu'il aimait le plus jusqu'au
bout : du rock ».
Avec près de 30 années d'activité, 21 disques
et des centaines de concerts, la carrière de Raul Seixas a marqué l'histoire
musicale brésilienne. Et son influence ne s'est pas arrêtée avec sa mort
puisque plusieurs albums posthumes ont été récompensés et des concerts en hommage
à l'artiste ont été organisés. Cette année, le documentaire de Walter Carvalho
« Raul Seixas, o inicio, o fim e o meio » retrace d'une manière
originale, émouvante et pleine d'humour, l'incroyable carrière du père du rock
brésilien. Un prétexte de plus pour se repasser les plus grands titres de Raul
Seixas.
Ce blog propose des informations françaises en langue portugaise et brésiliennes en langue française/Este blog oferece informações francesas em lingua portuguesa e brasileiras em lingua francesa. Il est géré et alimenté par Allana Andrade, journaliste et Gauthier Berthélémy, journaliste entre France et Brésil/ O blog é mantido por Allana Andrade, jornalista e Gauthier Berthélémy, jornalista entre Brasil e França.